Blavatsky H.P. - Réponse de l’Abbé Roca aux Allégations de Madame Blavatsky contre l’Ésotérisme Chrétien (Abbé Roca)—with Footnotes by H. P. B.

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Réponse de l’Abbé Roca aux Allégations de Madame Blavatsky contre l’Ésotérisme Chrétien (Abbé Roca)—with Footnotes by H. P. B.
by Helena Petrovna Blavatsky
H. P. Blavatsky Collected Writtings, vol. 9, page(s) 343-370

Publications: Le Lotus, Paris, Vol. III, No. 15, juin 1888, pp. 129-150

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RÉPONSE DE L’ABBE ROCA AUX ALLÉGATIONS DE MME BLAVATSKY CONTRE L’ÉSOTÉRISME CHRÉTIEN

[Le Lotus, Paris, Vol. III, No. 15, juin 1888, pp. 129-150]

I. Disons-le discrètement, on est assez embarrassé avec Mme Blavatsky, et l’on ne sait trop sur quel pied poser devant elle. Si vous trouvez qu’elle a le toucher rude,—et je ne suis pas le seul à le constater,—c’est que «vous avez la peau bien sensible». Vous prenez pour des bourrades, les caresses d’une main dont la douceur est tellement bouddhiste «qu’elle ne donnerait pas même une tape à un chien pour l’empêcher d’aboyer». Le plus léger souffle d’elle «vous paraît une bourrasque», et ce qui n’est que zéphir vous semble aquilon, à vous, pauvre petit roseau de La Fontaine.

Passe. De pareilles méprises se conçoivent à la rigueur; mais ce qu’on ne peut concevoir en aucune manière, c’est que le même sujet soit à la fois, aux yeux de Mme Blavatsky, «un fidei defensor», un prêtre catholique, un simple curé, pour lequel on regrette de s’être dérangée,—et un abbé qui a «jeté par-dessus les moulins son bonnet d’ecclésiastique orthodoxe et papiste, et négligeant le véritable ésotérisme des brahmes et des bouddhistes, des gnostiques payens et chrétiens, comme de l’authentique cabbale chaldéenne, et ne sachant rien des doctrines des théosophes s’est fabriqué un Christianisme à lui, un Ésotérisme sui generis». Elle ajoute: «J’avoue que je ne le comprends pas».

Je crois bien! ni moi non plus, chère Madame, ni personne au monde ne comprendra jamais qu’un même homme puisse être en même temps un «fîdei defensor», un pauvre curé qui ne mérite pas qu’on se dérange pour lui,—et un abbé décoiffé de son «bonnet d’ecclésiastique orthodoxe et papiste». Ces qualificatifs jurent entre eux, comme la lumière jure avec les ténèbres.[1]

344 Je ne dirai pas de Mme Blavatsky «qu’elle parle au vent et à l’aventure», comme elle a fait de moi; mais elle en a singulièrement l’air, tout de même, en plus d’un endroit. Qu’on en juge: si je hausse tant soit peu la voix, aussitôt je prends avec elle «un ton menaçant». Pourtant, elle a bien voulu reconnaître que j’ai ff la mansuétude, non pas d’un chrétien,—car les chrétiens, dit-elle, ne sont ni humbles ni doux dans leurs polémiques,—mais d’un Buddhist».

Elle deviate donc être contente . . . . . pas du tout! Mal m’en a pris de mon parler bouddhiste. Ce parler, dans ma bouche, ne lui dit rien qui vaille. Mes hommages lui produisent l’effect «d’un mat de cocagne, érigé pour servir de support aux brinborions chrétiens qu’une main apostolique et romaine [bon! me voilà redevenu simple curé pour la circonstance] y attachait à profusion, ou de poupé hindo-théosophique qu’elle affublait d’amulettes papistes [papistes, vous avez entendu]».

Mme Blavatsky est bien difficile à satisfaire: «Loin de s’enivrer au fumet capiteux de mes éloges», ces éloges l’indisposent: «Je le confesse», dit-elle, «avec ma ‘franchise’ et ma rudesse ordinaires comme sans ambages—je ne sentis qu’un redoublement de méfiance». Et comme je deviens noir à ses yeux! Entendez les dilemmes répétés dont elle dirige contre moi les quatre cornes: «Ou M. l’abbé s’obstine à ne pas me comprendre, ou il poursuit un but . . . . . . je crois comprendre . . . . . ou il parle au vent et à l’aventure; ou il a voulu me mettre au pied du mur, me forcer à m’expliquer pour avoir de moi une réponse catégorique» et me compromettre par ce moyen aux yeux des chrétiens parmi lesquels je me ferai de nouveaux ennemis, —et ce sera autant de gagné.

Voilà ce qu’elle appelle «mon petit arrangement». Est-ce assez canaille, de ma part! Vilain abbé Roca, se peut-il que tant de ruse entre dans ce faux bonhomme? C’est égal! le malin ne réussira pas à donner le change à Mme Blavatsky. «La Direction du Lotus français a pu se tromper», s’écrit-elle, «la directrice du Lucifer anglais y a vu clair». Consuls, dormez tranquilles au pied du Capitole; il y a qui veille là haut, et vous entendrez de beaux cris, si les Gaulois en tentent l’escalade.[2]

Mon Dieu! mais qu’ai-je donc fait à cette bonne damé, pour la mettre dans cet état? Il est vrai que je suis prêtre catholique (bien que «j’aie jeté mon bonnet carré par-dessus les moulins»). Et ces prêtres, elle les sait par cœur, allez. N’a-t-elle pas pour elle «toute une longue vie passée à connaître les susdits prêtres»? On m’affirmait 345un jour que la «Christolâtrie» inspire parfois tant d’horreur à certaines âmes, qu’elles en deviennent Christophobes et prêtrophobes. Espérons que ce ne sera jamais le cas des Bouddhistes dont la mansuétude est inaltérable.[3]

Qu’on se rassure et qu’on se calme à mon sujet! Il n’y a pas lieu à tant d’alarmes. L’abbé Roca n’est rien de ce que l’on suppose, et il est même désolé d’avoir causé ce tintouin. Croyez, chère Madame, que ni «je ne parle au vent et à l’aventure», comme j’espère vous le prouver, ni je ne cherche à vous jouer aucun mauvais tour;—vous le verrez au reste plus loin. Vos terreurs sont vaines; vous cherchez un dessous de cartes là où il n’y a rien du tout, si ce n’est peut-être une forte dose de naïveté.

Je dirais volontiers à Mme Blavatsky ce qu’est ce pauvre abbé Roca, si d’ailleurs elle ne l’avait pas jugé mieux qu’il ne s’était jugé lui-même jusqu’ici. La première appréciation de cette dame était la bonne. Elle aurait bien fait de s’y tenir. Oui, elle avait raison plus que je ne pensais, quand elle me traitait d’optimiste. Je le reconnais à présent, je suis plus qu’un optimiste, je suis un simpliste qui s’illusionne facilement, habitué que je suis à tout regarder à travers le prisme du Saint Évangile de Jésus-Christ.

II. Il m’en coûte énormément, même à cette heure où Mme Blavatsky a pourtant si bien mis tous ses points sur les i, de rabattre quelque chose de mon estime et de mon admiration pour elle. Non! je ne suis pas, je ne veux pas croire encore qu’elle soit, elle et ses maîtres, ce qu’elle affirme si carrément.

Songez donc! j’avais conçu de si douces espérances à l’avènement de cette théosophie hindoue, aux premiers acc ents de ces voix orientales sorties des sanctuaires de l’Himalaya, et qui réveillaient des échos si 346harmonieux dans nos Églises Chrétiennes![4] J’aimais tant à croire que ces semeurs nouveaux étaient ceux dont J. de Maistre se figurait entendre déjà les pas au versant des montagnes voisines. Je les avais pris pour les ouvriers évangéliques dont le Christ disait à ses disciples: «Priez le maître de la moisson, le Père céleste, de les envoyer nombreux et au plus tôt, dans vos cultures». (Luc, x, 2, et Jean, iv, 35 et seq.)[5] Je voulais me persuader que les «Frères» étaient les Missionnaires que les prophètes avaient annoncés, et dont Malachie nous assura qu’ils viendraient incliner le cœur des Péres (de l’Orient) vers le cœur des Enfants (de l’Occident), et le cœur des Enfants vers le cœur des Pères, nos glorieux ancêtres des premiers âges (Mal., iv, 5-6, et Math., xi, 14).[6]

Eh! quoi, je me serais trompé! Votre language m’afflige, Madame, et ne réjouira personne chez nous, sur aucun point de l’Europe, excepté peut-être en Turquie.

347 Il y aurait donc, si les Bouddhistes ne se trompent pas et ne se calomnient point, il y aurait deux théosophies, l’une chrétienne et l’autre payenne, comme je sais qu’il y a deux mysticismes et même trois d’aprês Görres—et aussi deux gnoses ou gnosticismes et deux occultismes, les uns orthodoxes, les autres hétérodoxes; et encore deux Kabbales, I’une datant d’avant Esdras, l’autre depuis Esdras,— et enfin deux magies, l’une blanche, l’autre noire.

Mais alors, Mme Blavatsky, au lieu de me présenter àses lecteurs comme dénué de tout ésotérisme, et absolument ignorant de toute théosophie, aurait dû, ce me semble, convenir toute suite que ma théosophie et mon ésotérisme n’ont rien de commun avec ceux de ses maîtres[7] 348par la raison très simple que les miens sont chrétiens tandis que les siens sont payens.[8]

Au reste, si elle n’a pas commencé par me rendre cette justice au début de sa réfutation, elle s’est exécutée d’assez bonne grâce à la fin, et je l’en remercie.

349 Voici ce qu’elle dit: « . . . tout en parlant en apparence tous les deux la même langue, nos idées quant à la valeur et au sens de l’ésotérisme chrétien, de l’ésotérisme brahmo-bouddhiste et de celui des gnostiques, sont diamétralement opposées». (Qui sait? je n’en suis pas encore bien convaincu—et je dirai pourquoi plus bas.) Elle poursuit: «Il puise ses conclusions et ses données ésotériques à des sources que je ne saurais connaître puisqu’elles sont d’invention moderne [pas si moderne, Madame, vous verrez], tandis que moi je lui parle la langue des vieux Initiés et lui donne les conclusions de l’ésotérisme archaïque. . .»

À quoi je réponds que l’on peut bien admettre à la rigueur la conternporanéité des deux ésotérismes, car probablement l’erreur est aussi ancienne que la vérité, du moins sur notre terre; mais que dans aucun cas on ne saurait aonner la priorité à la source altérée sur la source pure.[9]

Mme Blavatsky, si elle avait raison, nous aurait rendu, à nous, un très grand service, et à ses maîtres le pire de tous, en nous ouvrant les yeux comme elle a fait sur le paganisme de leurs doctrines. Le mot est grave, mais c’est elle qui l’a prononcé la première—(on l’entendra) —et qui me force à le répéter.[10]

350 Si les déclarations que je vais reproduire sont fondées, il en résulterait, net, que M. de Saint-Yves avait absolument raison quand il écrivait: «Il viendra un temps où de nouveaux missionnaires judéochrétiens—[et non pas pagano-bouddhistes]—rétabliront une parfaite communion de science et d’amour avec tous les autres centres religieux de la Terre». (Mission des Juifs, p. 178.)[11]

Ces Missionnaires judéo-chrétiens se trouveront être nécessairement les héritiers légitimes des sacerdoces Égypto-Kaldéens, puisque Moïse, tout le monde le sait, avait été initié à toute la gnose des sanctuaires de l’Égypte. («Et eruditus est Moyses omni sapientia Aegyptiorum. . . .»— Act., vii, 22); ces derniers sanctuaires se rattachaient à leur tour, par voie ascendante, à cette primitive et mystérieuse Église des protogones «quorum nomina sunt inscripta in coelis», d’après le solennel enseignement de saint Paul (Hebr., xii, 23).[12] On remonte assez bien les degrés de cette glorieuse filiation, à travers l’œuvre splendide de l’auteur des Missions.

Mme Blavatsky peut voir par là que les sources où puisent les catholiques ne sont pas d’invention moderne, comme il lui a plu de le dire.[13]

351 La thèse du marqui de Saint-Yves sortirait victorieuse des affirmations mêmes de ma savante contradictrice.[14] J’y perdrais une illusion; je me raffiermirais dans mes convictions toutes chrétiennes.

352 Les théosophes indous auraient alors donné leur mesure. Quant à la théosophie en elle-même, elle ne perdrait rien certainement de son caractère universaliste. Mme Blavatsky reconnaît elle-même que «la Théosophie n’est ni Bouddhisme, ni Christianisme, ni Judaïsme, ni Mahométisme, ni Hindouisme, ni aucun autre mot en isme, c’est la synthèse ésotérique de toutes les religions et de toutes les philosophies connues». Il est vrai qu’à ses yeux, elle n’est pas non plus le Christianisme; mais j’ose croire qu’elle se trempe sur ce point. À mon sens, la vraie théosophie se confond avec le véritable Christianisme, avec le Christianisme intégral, scientifique, tel que le conçoivent avec 1’2uteur des Missions, les Catholiques éclairés, les Kabbalistes orthodoxes, les Johannites de l’école træditionelle des Joachim de Flore, des Jean de 353Parme, des Franciscains et des Carméléens, à qui M.Renan a consacré la plus savante de ses œuvres de critique, qui n’est certes pas sa Vïe de Jésus. (Voir la dissertation de M. Renan sur l’Évangile Éternel de Joachim de Flore, publié dans la Revue des Deux-Mondes, à partir de la 1re livraison du numéro 1er juillet 1866.)

III. Moi, j’avais espéré, dans ma puérile candeur,—l’ai-je assez dit et répété dans mes premiers articles insérés au Lotus?—que les «Sages» de l’Himalaya pouvaient eux aussi mettre la main à la construction de cette belle et glorieuse Synthèse théosopho-chrétienne. Était-ce un rêve, et faut-il y renoncer? Eh bien! non, du moins pas encore, pas de si tôt!

Mme Blavatsky, il est vrai, ne garde pas de ménagement; elle tranche d’une main prompte et vive: «J’ai posé l’éteignoir,» dit-elle, «sur l’espoir couleur de rose dont brillait la flamme de sa première lettre»; car «je ne saurais prendre au sérieux de simples compliments de politesse d’un abbé chrétien et français à l’adresse des Mahatmas payens»!—Le mot y est, mais c’est moi qui le souligne, et pour cause.

Ah! Madame, ce que vous avez pris pour de simples compliments n’était pas un leurre pourtant! C’était l’expression sincère, sinon d’une conviction bien établie, du moins d’un desir ardent et d’un vœu tout en votre faveur. Le Christ se passerait bien des bouddhistes, s’il le fallait; mais les bouddhistes ne se passeront pas de lui, certainement. . . .et vous n’entendez pas vous en passer, je suppose, intelligente comme vous êtes.[15] Je ne désespère pas de dissiper le malentendu. Il y en a un.

354 Je ne regrette aucun mot de tout ce que j’ai publié, en vue de l’accord, dans Le Lotus et ailleurs, car si, d’une part, j’y attrape pas mal d’horions et de quolibets désagréables, de l’autre j’en retire l’avantage d’avoir fait preuve de bonne volonté, de large tolérance et de fraternité toute chrétienne,—sinon bouddhiste.

Mon honorée correspondante se flatte d’avoir renversé mon édifice. «Il s’est écroulé sous un souffle léger, dit-elle, comme un simple château de cartes, et ce n’est pas toujours de ma faute». A qui donc la faute? Elle n’est pas de moi non plus, et je serais désolé si j’avais contraint Mme Blavatsky à saper cette fondation, car elle aurait travaillé contre elle et non pas contre moi. Elle aurait brisé mon espoir, c’est vrai; elle aurait aussi brisé mon cœur de français, d’européen et de Prêtre de Jésus-Christ, c’est encore vrai. Mais du même coup elle se serait brisée elle-même, et qu’aurait-elle donc tant à se féliciter de ce résultat?[16]

355 IV. Vous allez voir: Que peut-on prétendre ici? Déposséder le Christ de ses grandes conquêtes? Faire reculer la civilisation qui s’inaugure sous ses auspices? Renverser ses autels dans l’Occident? Arracher son nom de notre sol?—Prenez garde! leur crierait M. Renan, ce même Renan que Mme Blavatsky invoque contre moi- prenez garde! «Arracher ce nom de la terre, ce serait aujourd’hui l’ébranler jusqu’au fondement» ! (Vie de Jésus.)

Trop tard! il est le Maître: son Esprit est devenu pour toujours notre esprit public; son âme est passée dans notre âme. Christ et Chrétienté ne font plus qu’un désormais. Les principes de son Saint Evangile, toutes les idées de fraternité, de tolérance, de solidarité, d’union, de mutualité, et tant d’autres qui se rattachent à la glorieuse trilogie de notre immortelle Révolution, s’apprêtent à triompher avec les principes mêmes de la Civilisation moderne, laquelle portera ses bienfaits dans toutes les parties du monde et jusque dans cet Orient qui ne la comprend pas encore, et qui voudrait tenter de l’étouffer dans son berceau, en Occident. Miséricorde de mon Dieu!

Juste ciel! quelle entreprise! . . . On a traité de «baroque» une de mes idées; et celle-là donc, de quel nom faudrait-il la qualifier, s’il était vrai qu’elle eût germé dans une tête quelconque! Est-ce qu’on ne voit pas ce qui se passe? Quels tressaillements partout! Et nous ne 356sommes qu’à l’aube du Jour Nouveau. Le Soleil qui est le Christ, «le Christ Solaire», comme disent les Kabbalistes, ce Soleil ne s’est pas encore levé sur nous; mais l’aurore est belle, pleine de rayons, de parfums et d’espérances! Et l’on voudrait arrêter la marche ascendante de cet astre! Ce serait insensé! Non, la Seine, ni aucun autre fleuve d’Europe ne verra ce que vit le Nil, au dire de Le Franc de Pompignan:

Le Nil a vu sur ses rivages,
Les noirs habitans des déserts,
Insulter, par leurs cris sauvages,
L’astre éclatant de l’Univers.

car alors il arriverait ce que le Poète chante dans la même strophe:

Crime impuissant! fureurs bizarres!
Tandis que ces monstres barbares
Poussaient d’insolentes clameurs,
Le Dieu, poursuivant sa carrière,
Versait des torrens de lumière
Sur ses obscurs blasphémateurs![17]

Cela n’est pas possible. Non, non! La Chrétienté n’aura pas à repousser une pareille tentative. Ce n’est pas ça qu’a pu vouloir dire Mme Blavatsky.[18]

V. Pourtant voici de terribles affirmations, ou plutôt de hardies négations;—mais qui s’expliquent à mes yeux je dirai comment.

«Je nie in toto», s’écrit-elle, «le Christ inventé par l’Église, en même temps que toutes les doctrines, toutes les interprétations et tous les dogmes, anciens et modernes, concernant ce personnage. . . . . j’ai 357l’aversion la plus vive pour la christolâtrie des Églises. Je hais ces dogmes et ces doctrines qui ont dégradé le Christos idéal, en faisant un fétiche anthropomorphe absurde et grotesque. . . . . Jésus crucifié n’était qu’une illusion, et son histoire une allégorie. . . . . Pour moi, Jésus-Christ, c’est-à-dire l’Homme-Dieu des chrétiens, copie des Avatars de tous les pays, du Chrishna indou comme de l’Horus égyptien, n’a jamais été un personnage historique. C’est une personnification déifiée du type glorifié des grands Hiérophantes des Temples, et son histoire racontée dans le Nouveau Testament est une allégorie. . . »[19]

Ces dénégations sont graves sans doute, et il devient évident que dans ces termes et sur ce terrain, il n’y aurait pas de transaction possible, pas d’entente à espérer entre Chrétiens et Bouddhistes.[20]

Mais on peut, heureusement, tourner la question, la présenter sous une autre face, et la résoudre favorahlement. Nous allons essayer. Un seul mot me gêne plus à lui seul que tous les précédents; c’est celui que j’ai souligné plus haut, dans le dire de Mme Blavatsky qui s’est donnée, elle et les Mahatmas, comme PAYENS. Mais encore là faut-il prendre au sérieux cet étrange langage? Je ne le pense pas. Il y a là une équivoque, un qui pro quo, nécessairement.

J’ai idée que rien au monde n’est moins payen que les conceptions des «Frères» et de leurs adeptes.[21] Ma noble partenaire dira si je 358me trompe, après m’avoir fait l’honneur de m’écouter très attentivement. Je la supplie d’y bien réfléchir, et surtout de ne pas se figurer qu’il se cache un piège sous mes paroles. Mon verbe est franc, limpide comme un cristal de roche:

Voyons, chère Madame, vous bien rendez-vous compte du sens que revêt le mot payen, dans l’intellect européen, et d’après tous nos lexiques? (Voir entre autres Quicherat que je viens de reconsulter.) Les payens, en latin pagani, de pagus, bourgade ou village, étaient les pago-dedite, les confinés au bourg, les campagnards, les ignares idolâtres qui prenaient les signes sacrés, les symboles religieux pour des réalités divines. Comment croire que les Mahatmas et Mme Blavatsky sont de ces gens-là? Je suis persuadé du contraire.[22]

Évidemment ce n’est pas ce qu’a voulu affirmer cette savante femme, pas plus au reste qu’elle n’a entendu se qualifier elle-même d’antiChrétienne quand elle a si fort malmené ce Christ, Homme-Dieu, qu’elle ne sait pas voir, démontrant, clair et net, lui-même son existence historique, par la preuve expérimentale qu’employait le philosophe quand il prouvait le mouvement en marchant sous les yeux des négateurs. Le Christ vit parmi nous æutrement que dans une vaine abstraction, puisqu’il est en train de remuer notre monde et d’en renverser les deux pôles, mettant en haut ce qui est en bas, et en bas 359ce qui était en haut, justement comme il l’avait annoncé. Avonsnous donc des yeux pour ne point voir?

Je sais ce que peut dire à cela Mme Blavatsky. . . Nous y viendrons. En attendant je lui oppose son propre langage, bon et correct cette fois-ci: «J’ai le plus profond respect pour l’idée transcendentale du Christos (ou Christ) universel qui vit dans l’âme du Boschiman et du Zoulou sauvages comme dans celle de M. l’abbé Roca. . .» Mais alors!. . . Vous allez voir que nous finirons par trouver le joint de la difficulté et par résoudre scientifiquement la question, peut-être même par nous mettre entièrement d’accord. «Tant mieux, tant mieux»! répéteraije après elle.

La difficulté qu’elle éprouve à admettre un Christ carnifié, comme elle dit, ne tiendra pas toujours, j’espère. Ses yeux sont faits pour voir clair.[23]

Sans doute, «un adjectif personnel ne peut s’appliquer à un principe idéal», tant qu’il reste à l’état d’Idéal abstrait; mais pour elle le Χριστός, ou Christ universel qui vit dans nos âmes, est-il une mera idea, un Principe absolument impersonnel? Je sais bien qu’elle a dit oui mais comme elle a dit aussi que les Mahatmas sont payens. Il y à des confusions par là dedans qui seront dissipées.

VI. Voici, d’après la Gnose orthodoxe, ce qu’est le Christ: il est le Fils engendré de toute éternité dans l’arcane adorable des Processions internes de l’Essence divine; il est le Verbe vivant, consubstantiel au Père, dont parle saint Jean; il est le Lumen de Lumine, du symbole de 360Nicée, chanté dans les Églises chrétiennes de tout rite et de toute secte (excepté le Filioque pour l’Église orthodoxe gréco-russe).[24] Ce même Verbe fut conçu, avant tous les siècles et en dehors du Cercle essentiellement divin, par Ochmah, ou le Principe féminin émané,[25] ou encore la Sagesse vivante, immaculée, et fécondée par Ensoph[26] 361qui est le Principe masculin, issu de Dieu, et nommé le Saint-Esprit (peut-être l’Akasa[27] des Indous).[28]

Eh bien! nous, prêtres catholiques, nous enseignons que ce même Fils, ce même Verbe s’est fait chair: Verbum caro factum est (Jean, i, 14 ––credo de Nicée). Voici dans quels termes: Ce Fils unique, ce Verbe conçu de toute éternité par le Père-Mère qui est Dieu, puis engendré par En-soph, I, dans le sein d’Ochmah, , est venu prendre sur notre Terre, au pêle-sud de la Création, un corps et une âme comme les nôtres, mais non pas un Esprit, remarquez-le bien, non pas une personnalité humaine. Il n’y a pas deux personnes dans l’HommeDieu; il n’y a que la Personne du Fils éternel, du Principe comme il s’appelle lui-même (Jean, viii, 25); mais il y a deux natures, la nature assumante qui est toute divine, et la nature assumée qui est la vôtre, Madame, qui est la mienne comme elle est celle du Boschiman et du Zoulou sauvages, comme elle est celle des plus grands scélérats qu’on ait pu voir sur terre.

Dans cette conception générique, l’homme n’a eu rien à voir; ce mystère s’est accompli dans les entrailles d’une Vierge, et ne pouvait s’accomplir que là. Car cette Vierge n’était pas autre qu’Ochmah le 362Principe féminin lui-même, l’Épouse d’Ensoph, la Sagesse immaculée revêtue d’un corps[29] au préalable afin de faire passer dans la Nature humaine ce même Verbe qu’elle avait déjà conçu du Saint-Esprit au Pôle Nord de la Création,[30] et qu’elle est venue, sous le nom de Marie, concevoir de nouveau au Pôle Sud afin de le mettre à la portée des déchus.

De là se mot qui revient si souvent sous la plume des Pères: «Prius conceperat in mente quam in corpore, prius in coelis quam in terris». Je ne dis là que des choses parfaitement intelligibles, sinon pour tout le monde, du moins pour un entendement ouvert comme est celui de Mme Blavatsky.

Je prévois ce qu’elle répondra; au fond c’est déjà dans son article. Elle dira: l’Incarnation de la Divinité dans l’Humanité est «l’Apothéose des Mystères de l’Initiation. Le Verbe fait chair est l’héritage du genre humain, etc». Rien de plus vrai; ce langage est absolument catholique. C’est encore vrai ce qu’elle ajoute: «Le vos Dii estis s’applique à tout homme né d’une femme». Voici comment nous l’expliquons, à la lumière du Zohar:

L’Humanité astrale, ou l’Adam-Ève originel et universel, formait avant sa chute un corps intégral et homogène dont le Christ divin était l’Esprit, sinon l’âme. L’âme en était plutôt Ochmah, ou laSagesse immaculée. La chute se produit,—je n’en déterminerai ici ni la cause, ni la nature, afin de ne pas allumer deux controverses en même temps. Ce l`ait, bien connu de Mme Blavatsky mais expliqué par 363elle différemment, amena la dislocation de ce grand corps—si l’on peut appeler de ce mot les Constitutions biologiques du Pôle-Nord ou spirituel. Ma contradictrice s’exprimerait autrement; elle dirait que l’Humanité passa de l’état d’Homogénéité où elle se trouvait dans le Ciel, à l’état d’Hétérogénéité où elle se trouve sur la terre. Soit. Je veux bien ici négliger l’idée de pêché qu’implique notre Dogme. Dans tous les cas, elle s’est vue contrainte de toucher à la question tres embarrassante pour elle, de l’origine du mal; elle s’en est tirée comme elle a pu, pas brillamment.[31] La Kabbale l’explique beaucoup mieux, et l’Évangile Éternel, imprimé à Londres en 1857 (chez Trübner et Cie, 60, Paternoster Row) jette de vives clartés sur ce mystère. Peu importe, au fond de notre discussion.

Le fait certain, c’est que le mal désole la terre et que nous en souffrons tous. Les Bouddhistes sont condamnés par leur système à faire à Dieu une singulière paternité avec ce vos Dii estis interprété à leur manière. Il n’y a pas que les Boschimans et les Zoulous sauvages, mais pas même les Cartouche, les Mandrin, et les Troppmann qui ne puissent se réclamer et s’autoriser du titre de Fils de Dieu. Jolie famille, en vérité.[32] L’enseignement chrétien, sans frustrer ces pauvres gens de leur droit à l’héritage paternel, prend du moins la précaution de leur imposer une tenue convenable. Il leur offre le moyen, aussi rationel que juste et facile, de se réintégrer dans les conditions primordiales de leur originelle sainteté: Vous êtes déchus, dégradés; on 364se relève aisément. Adhérez de nouveau à ce Christ dont vous vous êtes détachés. Vous n’avez pas à vous élever dans le ciel jusqu’à lui; il est descendu sur la terre jusqu’à vous. Il est dans votre nature, dans votre chair. Chaque cellule, chaque alvéole, chaque monade tombée de son corps céleste dans les bas lieux, se réassocie à lui en s’affiliant à l’Église qui, d’après saint Paul (Éph., i, 23), est le vrai corps social du Christ-Homme,—corps organique dans lequel se cache le Christ-Esprit, comme le papillon se cache dans la nymphe de la chrysalide. Et voilà tout le mystère de l’Incarnation! où est l’absurdité?[33]

En quoi ce Dogme choque-t-il la raison? En quoi répugne-t-il à ceux qui reconnaissent le Principe-Christ, ou le Christ universel? Ah! si l’on niait l’existence de ce Christ, alors oui, il deviendrait impossible de nous entendre.

VII. C’est là justement ce que je voudrais savoir de ma digne correspondante, avant de pousser plus loin cette controverse.[34] La question qui se pose n’est pas précisément celle à laquelle a déjà répondu Mme Blavatsky en disant: «. . . .un Christ (ou Christos) divin n’a jamais existé sous une forme humaine ailleurs que dans l’imagination des blasphémateurs qui ont carnalisé un principe universel et tout impersonnel. . . . .celui qui voudra dire ‘Ego sum veritas’ est encore à naître. . .» Elle est autre, pour le moment; je l’élève plus haut: Le Christos existe-t-il, n’importe où dans le Ciel ou sur la terre, et n’importe sous quelle forme, divine ou humaine?

J’ai l’honneur de prévenir Mme Blavatsky qu’alors même que son appareil visuel et conceptif ne lui permettait pas de comprendre et 365d’admettre que le Principe-Christ puisse devenir le Christ-Chair ou l’Homme-Dieu, même alors je la tiendrais encore pour une Chrétienne,[35] et voici pourquoi:

Dans notre Saint Évangile qu’elle considère avec Strauss, ou peu s’en faut, comme le rituel maçonnique de tous les lieux communs de l’entendement humain; dans la bouche de N.-S. Jésus-Christ qu’elle prend pour une idéalisation de l’Humanité terrestre, se trouvent des paroles adorables que j’interprète en sa faveur, et que je suis heureux de pouvoir lui appliquer avec justice,—je le crois du moins; écoutez ce divin langage:

«Quiconque aura parlé contre le Fils de l’Homme [l’Homme-Dieu], il lui sera pardonné; mais si quelqu’un parle contre le SaintEsprit [le Christ-Esprit], son péché ne lui sera remis ni dans ce siècle [l’ère présente, celle qui se ferme], ni dans l’autre [l’ère qui s’ouvre de nos jours]». (Math., xii, 32;—Marc, iii, 28-29;—Luc, xii, 10;— I Jean, v, 16)[36] C’est bien remarquable que ces paroles aient été répétées par les Quatre Evangélistes:[37] c’est qu’elles ont une importance capitale. La version selon saint Marc est la plus libérale de toutes. Elle porte: Les choses dites contre le Fils de l’Homme seraientelles des blasphèmes, ces blasphèmes mêmes seront pardonnés, s’il ne s’adressent pas au Saint-Esprit (loc. cit).

Or, croire que Mme Blavatsky a blasphémé contre le Saint-Esprit, rien ne m’y autorise; j’affirmerais plutôt le contraire.[38] Ce n’est donc pas moi qui lui dirai raca—jamais, jamais!

366 Elle peut se convaincre par le propre dire de Notre-Seigneur, que le Christ n’est pas une «idole jalouse et cruelle qui damne pour l’éternité ceux qui ne veulent pas se courber devant elle», puisque même cette injure trouvera grâce et remission devant l’infini miséricorde de son cœur d’Homme-Dieu.

Ce que je crains, pour Mme Blavatsky, c’est que les altercations qu’elle a eues avec des prêtres chrétiens, et qui ont dû être fort vives, de part et d’autre, puisqu’elle se dit payée «pour connaître les susdits prêtres», n’aient beaucoup contribué à fausser dans son idée la notion de Jésus-Christ. Il faut convenir que beaucoup d’entre nous, ministres de son doux Évangile, ne brillons guère, à notre époque, par l’intelligence approfondie des Arcanes du Christ, et que notre tolérance n’a pas toujours été, bien s’en faut, conforme à celle de son cœur. Il est certain, par exemple, que le terrible Christ de l’Inquisition, notre œuvre à nous, n’était pas du tout fait pour rendre aimable et pour recommander le vrai Christ, celui du sermon de la montagne et de la vision du Tabor.[39] Il est également certain que notre Christ à nous, 367prêtres, a fait prendre en horreur, par bien du monde, hélas! Celui dont [nous] avons trop négligé de suivre l’exemple, alors qu’il nous avait dit pourtant:

«Exemplum enim dedi vobis, ut, quemadmodum ego feci vobis, ita et vos faciatis». (Jean, xiii, 15.)

VIII. Je termine, pour cette fois-ci du moins, en mettant en lumière l’hommage religieux que Mme Blavatsky rend, à son insu, à notre Saint Évangile: «Le Nouveau Testament, dit-elle, contient certainement de profondes vérités ésotériques, mais c’est une allégorie». Ce mot d’allégorie sera remplacé un jour, dans le vocabulaire de cette exégète, par celui d’œuvre typique. Les types, en toutes choses, ont ceci de particulier, d’après Platon, c’est qu’ils sont une allégorie en même temps que l’expression juste d’une réalité historique. Alors elle se rendra compte de cette merveilleuse chose qu’elle constaste dans une note: «Chaque acte du Jésus du Nouveau Testament, chaque parole qu’on lui attribu, chaque événement qu’on lui rapporte pendant les trois années de la mission qu’on lui fait accomplir, repose sur le programme du Cycle de l’Initiation, cycle basé lui-même sur la précession des Équinoxes et les signes du Zodiaque».[40]

Eh oui! je crois bien! comment en aurait-il pu être autrement? Non seulement tout cela repose sur ce Programme, mais le remplit et devait le remplir. Les ésotéristes chrétiens disent la raison de cette 368harmonie;[41] ils savent, ils enseignent que Jésus-Christ est la réalisation historique de toute la vertu et de tout l’esprit de prophétisme qui avait rayonné dans le monde, avant sa venue, qui avait éclairé les Voyants de tous les sanctuaires et qui s’était répandu dans la nature elle-même, parlant par la voix des Oracles, par l’organe des Pythonisses, des Sibylles, des Druidesses, etc. Il faut entendre saint Paul là-dessus: «Multifariam, multisque modis olim Deus loquens patribus in Prophetis: novissime, diebus istis locutus est nobis in Filio, quem constituit heredem umversorum, per quem fecit et saecula» (Hebr., i, 1-2). Il faudrait citer tout cet admirable Chapitre, et le lire à la lumière du Zohar.[42]

Nous savons de plus que Jésus-Christ était l’objet des pressentiments, des prévisions, de l’attente et des soupirs de toutes les générations qui l’avaient précédé, non seulement dans Israël comme dit Jérémie (xiv, 14, 17), mais dans le monde entier, chez tous les peuples, sans exception, comme avait dit Moïse: «Et ipse erit expectatio gentium» (Gen., xlix, 10).[43]

369 Comment le Christ aurait-il répondu à cette attente universelle, comment aurait-il rempli le Programme de l’ancien Cycle de l’Initiation, si un seul texte, un seul point de l’idéale conception eût été violé même d’un iota ou d’un apex? Voilà pourquoi le Christ disait: «. . .iota unum, aut unus apex non praeteribit a lege, donec omnia fiant» (Math. v. 18).

Ah! j’en conviens, le Cycle de l’Initiation, que connaît si bien Mme Blavatsky, a pressenti autre chose que ce qui s’en est réalisé jusqu’à nos jours sous l’influence du Christ.[44] Oui! mais la Carrière du Rédempteur du monde n’est pas close; sa mission n’est pas finie, elle commence à peine. . . . . Nous ne sommes qu’aux premiers rudiments du Saint Évangile, à la phase préparatoire. Notre théologie est toute primaire et notre civilisation s’ébauche, encore toute grossière. Lassez venir le Christ-Esprit-Amour, le Paraclet promis. Il est dans les nues, il approche, il descend à travers les brouillards épais de notre entendement, et les froideurs glaciales de notre cœur. Il revient justement comme il l’avait dit, et dans l’appareil même qu’il avait annoncé dans son langage parabolique.[45] Que d’âmes déjà qui sentent avec Tolsti, les tièdes haleines du printemps nouveau! et combien d’autres qui voient, avec Lady Caithness, poindre la radieuse Aurore de l’ère nouvelle!

Le second avènement se fait exactement comme Jésus l’avait prédit.

Je m’arrête là. Si Mme Blavatsky le veut bien, nous y reviendrons, et peut-être serai-je assez heureux pour lui fournir les preuves 370scientifiques que réclame de moi, à grands cris, cette belle âme altérée de la sainte soif des vérités divines et qui adore le Christ, sans le savoir.[46]

Chère Madame, pardonnons-nous réciproquement nos petites vivacités. Que voulez-vous, le Discours des Perfections et des Béatitudes a beau nous être prêché, à vous sur la montagne de Gaya depuis pres de trois mille ans, à moi sur la montagne de Galilée depuis moins de deux mille ans, il nous faut toujours payer à l’Humanité déchue le tribut de nos faiblesses natives: Homo sum; humani nihil a me alzenum puto.

L’AB. ROCA, Chanoine honoraire.


Footnotes


  1. Ne se pourrait-il pas que ces qualificatifs soient dus aux lettres mêmes, aux «Notes» de M. Roca? Ils paraissent contradictoires peut-être dans ces «Notes» et, sous sa plume . . . . . habile, et lorsqu’on n’a ni mes réponses, ni ses lettres—de vrais kaléidoscopes littéraires—sous les yeux? La direction du Lotus ferait bien de publier notre correspondance, depuis la première lettre de M. Roca jusqu’à la dernière, avec mes réponses. La brochure serait intéressante et le public plus à même de juger lequel de nous deux a tort.—H. P. BLAVATSKY.
  2. Les oies ont sauvé le Capitole, mais les oints ont perdu Rome.—H. P. BLAVATSKY.
  3. M. l’abbé se trompe encore une fois. Je ne suis ni «Christophobe»—vu que le Christos impersonnel de la Gnose est identique à mes yeux avec l’Esprit divin de l’Illumination, ni «prêtrophobe», parce que j’ai le plus grand respect pour certains prêtres. Seulement, je me méfie des lévites en général, autant du rabat blanc du protestant que de la soutane du prêtre catholique. L’odium theologicum m’est connu personnellement et dans toute sa fureur. Mais, imbue des principes bouddhistes, je ne hais personne, pas même mes ennemis. Haïrait-on l’éclair, parce que l’on mettrait un paratonnerre sur son toit?—H. P. BLAVATSKY.
  4. Ceci, par exemple, est trop fort! Comment, «les voix orientales sorties des sanctuaires de l’Himalaya . . . . réveillaient des échos si harmonieux» dans vos «Églises Chrétiennes», et les prêtres de ces Églises les dénonçaient dès qu’ils les entendirent en Amérique et aux Indes— comme la VOIX DE SATAN! Ceci est du sentiment à l’eau de rose, et de l’optimisme contre toute évidence.— H. P. BLAVATSKY.
  5. [This is merely a paraphrase of Luke, x, 2, the text according to J. F. Ostervald’s French version being « . . . . La moisson est grande; mais il y a peu d’ouvriers; priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson».—Compiler.]
  6. La Théosophie indoue—et l’abbé Roca le sait mieux que personne—est proclammée par son Église comme sortant de l’enfer. Les évêques catholiques de Bombay, de Calcutta et autres grandes villes des Indes furent tellement effrayés de l’harmonie de ces voix qu’ils forcèrent les fidèles à se boucher les oreilles avec du coton dès le premier jour. Ils menacèrent d’excommunier «quiconque approcherait du repaire des sorciers nouvellement débarqués d’Amérique, de ces ambassadeurs plénipotentiaires de l’ennemi de Dieu et du Grand Révolté (sic)». Ceci fut dit par l’Archevêque de Calcutta, s’il vous plaît, en 1879. Un autre digne et saint homme, un missionnaire apostolique, à Simla, craignant, fort à tort, une «rivalité de métier» peut-être, annonça en plein sermon, mon arrivée dans cette Résidence bucolique des vice-rois des Indes, comme celle de «la Pythonisse du Grand maudit» (style de Mirville et des Mousseaux). Ils étaient donc sourd tous ces «bons Pères» qu’ils n’entendaient pas les voix harmoniques, même ayant leurs nez sur les Himalayas? Il n’est donc pas vrai que depuis douze ans les descendants de vos «glorieux ancêtres des premiers âges»—pourquoi ne pas ajouter aux (Saint) Cyrille de sanglante mémoire et à (Saint) Eusèbe de menteuse mémoire les Saints Pères de l’Inquisition, les Torquemada et Cie?—nous poursuivent partout, déchirant à belles dents nos réputations puisqu’ils n’ont plus le pouvoir de déchirer nos corps avec leurs instruments de torture? C’est donc un rêve que ces tas de brochures et de livres émanant des missionnaires, pleins de calomnies les plus noires, de mensonges les plus effrontés, d’insinuations les plus basses? . . . Nous les avons cependant, dans la bibliothèque d’Adyar.—H. P. BLAVATSKY.
  7. L’ésotérisme de nos maîtres (disons plutôt leur philosophie divine) est celui des plus grands PAYENS de l’antiquité. Ailleurs, l’abbé Roca parle avec mépris du terme. J’y répondrai tout à l’heure. En attendant, je demande s’il se trouverait dans l’univers entier un homme assez osé (excepté les missionnaires ignorants) pour parler avec mépris de la religion de Socrate, de Platon, d’Anaxagore ou d’Épictète! Certes, moi la première, je préférerais la place de servante d’un Platon payen, ou d’un Épictète, esclave lui-même, à l’office du premier cardinal d’un Alexandre ou d’un César Borgia, ou même d’un Léon XIII.—H. P. BLAVATSKY.
  8. C’est ce que j’ai fait sur tous les tons. On n’a qu’à lire mes deux «notes» pour s’en assurer. Oui, il y a deux théosophies—l’une, universelle (la nôtre), l’autre, sectaire (la vôtre). Oui, il y a deux Kabbales, l’une compilée par Simon Ben Iochai dans le Zohar au IIe siècle (nous disons le premier), qui est la vraie Kabbale des Initiés qui est perdue et dont l’original se trouve dans le Livre Chaldéen des Nombres; et l’autre, celle qui existe dans les traductions latines de vos bibliothèques, Kabbale dénaturée au XIIIe siècle par Moïse de Léon, pseudographe composé par cet Israélite espagnol, avec l’aide et sous l’inspiration directe des chrétiens de la Syrie et de la Chaldée, sur les traditions conservées dans les Midraschim et les fragments restant du vrai Zohar. Et voici pourquoi on y retrouve la Trinité et autres dogmes chrétiens, et que les Rabbins qui n’ont pas eu la chance d’avoir conservé dans leurs familles des chapitres de la Kabbale authentique ne veulent rien savoir de celle de Moïse de Léon (celle de Rosenroth et Cie) dont ils rient. Voyez plutôt Munk ce qu’il en dit. Le mysticisme et la Kabbale sur lesquels M. l’abbé et les autres reposent leurs données leur viennent donc de Moïse de Léon, comme leur système des Sephiroth leur vient du Tholuck, l.c., pages 24 et 31, leur grande autorité. Ce fut Hây Gaôn (mort en 1038) qui le premier développa le système Sephirothal comme nous l’avons maintenant, c’est-à-dire un système qui, comme le Zohar et autres livres kabbalistiques, a été filtré au moyen âge, dans la Gnose déjà défigurée par les Chrétiens des premiers siècles.—H. P. BLAVATSKY.
    [See English translation of this footnote for data regarding the reference to Tholuck.—Compiler.]
  9. Précisément. Or, comme la théologie chrétienne est la plus jeune et que même le Judaisme d’Esdras n’est que son ainé de 400 ans, il s’ensuit que la source des Aryas à laquelle ont bu les Arhats de Gautama ayant la priorité doit être la source pure tandis que toutes les autres sont altérées. Nous sommes parfaitement d’accord, quelquefois, à ce qu il paraît.—H. P. BLAVATSKY.
  10. Je ne m’en dédis nullement. N’étant ni Chrétienne, ni Juive, ni Musulmanne, je dois être nécessairement payenne, si l’étymologie scientifique du terme vaut quelque chose. L’abbé Roca a l’air de me faire des excuses du terme qu’il répète. On dirait qu’il cherche à faire accroire aux lecteurs que ce n’était qu’un lapsus calami, un lapsus linguae, que sais-je? Mais du tout; quelle est l’origine du mot payen? Paganus voulait dire, dans les premiers siècles, un habitant des villages, un paysan, si l’on veut, c’est-à-dire celui qui vivant trop éloigné des centres du nouveau prosélytisme était resté (fort heureusement pour lui peutêtre) dans la croyance de ses pères. Tout ce qui n’est pas perverti à la théologie sacerdotale est payen, idolâtre et vient du diable, selon l’Église Latine. Et que nous importe l’étymologie de Rome, dont l’adoption fut imposée par les circonstances sur les autres peuples? Je suis démocrate dans le vrai sens du mot. Je respecte le villageois, l’homme des champs et de la nature, le travailleur honnête et bafoué des riches. Et je dis à haute voix que j’aime mieux être payenne avec les paysans, que catholique romaine avec les Princes de l’Église, dont je me soucie fort peu tant que je ne les trouve pas sur mon chemin. Encore une fois, c’est un petit fiasco que M. l’abbé vient de faire. Vide note 6.—H. P. BLAVATSKY.
    [Note 6 is the footnote on p, 347 of the present Volume, beginning with the words: «L’ésotérisme de nos maîtres . . .».—Compiler.]
  11. [Ch. iv, p. 98, in the 1884 edition of this work.—Compiler.]
  12. [The wording of the Vulgate is different, namely: “et Ecclesiam primitivorum, qui conscripti sunt in coelis, et judicem omnium Deum, et spiritus justorum perfectorum.”—Compiler.]
  13. Désolèe de le contredire encore et toujours. À mes yeux, les sources où puisent les catholiques sont fort modernes en comparaison des Védas et même du Bouddhisme. Les «solennels enseignements» de saint Paul dateraient du siècle VI ou VII—lorsque revues et bien corrigées, ses Épitres furent enfin admises dans le Canon des Évangiles après en avoir été exilées pendant plusieurs siècles—plutôt que de l’an 60. Autrement, pourquoi donc (saint) Pierre aurait-il personnifié et persécuté son ennemi Paul sous le nom de Simon le Mage, un nom devenu aussi générique que celui d’un Torquemada ou d’un Merlin?—H. P. BLAVATSKY
  14. J’ai bien peur que la thèse de M. (le marquis de) Saint-Yves ne sorte pas plus victorieuse de mes mains que les rêves couleur de rose et l’optimisme de mon honoré correspondant. Les sources qu’on y trouve ne remontent pas plus haut que les visions personnelles du savant auteur. Je n’ai jamais lu l’ouvrage en entier, mais il m’a suffi d’en lire les premières pages et le compte-rendu manuscrit d’un de ses fervents admirateurs pour m’assurer que ni les données ésotériques de la littérature sacrée des Brahmes, ni les recherches exotériques des sanscritistes, ni les fragments de l’histoire des Aryas de Bharatavarsha, rien, absolument rien de connu aux plus grands pandits du pays, ou même aux orientalistes européens, ne supportait cette «thèse» que m’oppose M. l’abbé Roca. C’est un livre fait pour éclipser en fiction savante les œuvres de Jules Verne, et l’abbé pourrait tout aussi bien opposer à mes «contradictions» les œuvres d’Edgar Poe, le Jules Verne du mysticisme Américain. Cet ouvrage est entièrement dénué de toute base historique ou même traditionnelle. La «biographie» de Rama y est aussi fictive que l’idée que le Kali Youga est l’âge d’or. L’auteur est certes un homme de grand talent, mais son imagination fantaisiste est plus remarquable que son érudition. Les théosophes indous sont prêts à relever le gant s’il leur est jeté. Que M. l’abbé Roca ou quelqu’autre parmi les admirateurs de la Mission prenne la peine de transcrire tous les passages qui mentionnent Rama et les autres héros de l’ancienne Aryavarta. Qu’ils appuient leurs affirmations par des preuves historiques et des noms d’anciens auteurs (dont on ne trouve pas une trace dans cet ouvrage). Les théosophes indous et autres y répondront en renversant une à une toutes les pierres de la bâtisse fondée sur l’étymologie phonétique du nom de Rama dont l’auteur a fait une vraie tour de Babel. Nous donnerons toutes les preuves historiques, théologiques, philologiques, et surtout—logiques. Rama n’a rien eu à faire avec les Py-Ramides (!!), rien du tout avec Ramsès, pas même avec Brahma, ou les Brahmanes, dans le sens voulu; et encore moins avec les «Ab-Ramides» (!!?) . Pourquoi pas avec Ram-bouillet, dans ce cas, ou «le Dimanche des Rameaux»? La Mission des Juifs est un fort beau roman, une fantaisie admirable; seulement le Rama qu’on y trouve n’est pas plus le Rama des Indous que la baleine qui a avalé Jonas n’est la baleine zoologique qui se promène dans les mers du Nord et du Sud. Je ne m’oppose pas du tout à ce que les Chrétiens avalent baleine et Jonas, si l’appétit leur en dit, mais je me refuse absolument à avaler le Rama de la Mission des Juifs. L’idée fondamentale de cette œuvre pourrait sourire à ces Anglais qui tiennent à l’honneur de prouver que la nation Britannique descend en ligne directe des dix tribus d’Israël; de ces tribus perdues avant d’être nées, car les Juifs n’ont jamais eu que deux tribus dont une n’était qu’une caste, la tribu de Juda, et celle de Lévi, la caste sacerdotale. Les autres n’étaient que les signes du Zodiaque personnifiés. Que peut avoir Rama à faire avec tout cela?—H. P. BLAVATSKY.
  15. Je me permets de répondre que Bouddha est l’aîné de Jésus (confondu avec Christos) de 600 ans. Donc, les Bouddhistes,—dont le système religieux est cristallisé depuis leur dernier Concile ecclésiastique qui est antérieur au premier Concile de l’église chrétienne de quelques siècles—se sont bien passés du Christ inventé par cette dernière. Ils ont leur Bouddha, qui est leur Christ. Leur religion qui surpasse en sublimité morale tout ce qui fut inventé ou prêché dans ce monde jusqu’ici, est l’aînée du Christianisme, et tout ce qu’il y a de beau dans le Sermon sur la montagne, c’est-à-dire tout ce qui ce trouve dans les Évangiles, se trouvait déjà depuis des siècles dans les Aphorismes de Gautama Bouddha, dans ceux de Confucius, et dans la Bhagavat-Guita. Que veut donc dire l’abbé Roca en affirmant que les Bouddhistes «ne se passeront pas de lui [le Christ] certainement», alors qu’ils s’en sont passés pendant 2000 ans? Que voudrait-il insinuer en parlant de même de moi? J’ai l’honneur de lui faire observer qu’il fut un temps où je croyais comme lui; qu’il fut un temps où j’étais assez nigaude pour croire à ce qui ne m’avait jamais été démontré, mais que n’y croyant plus et frisant la soixantaine, il est bien improbable que je me laisse attraper à la glu de beaux sentiments. Non, il n’y a aucun «malentendu» du tout. Si malgré les points que je mets sur mes i, il persistait à ne pas vouloir me comprendre, c’est qu’il y mettrait de la mauvaise volonté. Serait-ce qu’il voudrait prolonger une polémique impossible, parce que ne pouvant répondre à mes arguments par des preuves de la même valeur, il voudrait, néanmoins, avoir le dernier mot? Dans ce cas je le lui cède avec plaisir. Je n’ai vraiment ni le temps ni le désir de combattre des moulins à vents.—H. P. BLAVATSKY.
  16. Monsieur l’abbé est vraiment trop sensible. Je le remercie de sa solicitude toute. . . . chrétienne pour mon humble personne; mais au risque de lui «briser» encore une fois «le cœur», la vérité m’oblige à confesser que je ne comprends pas du tout cet acharnement, malgré mes protestations, à gémir sur mon sort. Malheureusement pour lui, je suis fort peu tendre de ma nature: il ne m’édifiera pas. Seulement, s’il continuait ses jérémiades sur l’air de «Ma Tante Aurore» il édifierait les lecteurs du Lotus encore moins que moi. Qu’il se tranquillise donc, et que son cœur navré se console. Ne me brise pas qui veut: je ne cours aucun danger. D’autres, et de plus fort que lui, ont essayé de me plier à leurs idées, ou de me briser. Mais j’ai l’épiderme tartare, il paraît; ni menaces enguirlandées des fleurs de sa rhétorique et saupoudrées des pâles roseurs de sa poésie, ni compliments à l’adresse de mon «intelligence» ne me toucheront. J’apprécie à sa juste valeur son désir de confondre les deux ésotérismes—l’ésotérisme chrétien et celui des vieux Initiés de l’Atlantide submergée. Cela ne m’empêche pas de voir ce désir bâti sur le terrain des châteaux en Espagne. Les deux ésotérismes se sont bien passés l’un de l’autre pendant des siècles, ils peuvent vivre côte à côte sans trop se heurter pour le reste du Kali Youga, l’âge noir et fatal, l’âge des causes et effets sinistres, ce qui ne l’a pas empêché d’être représenté, en France, comme l’âge d’or—une des erreurs acceptées par l’abbé Roca avec la foi innocente qui le caractérise.—H. P. BLAVATSKY.
  17. [Quoted from an Ode written by J. J. Lefranc de Pompignan (1709-1784) on the occasion of the death of the celebrated lyrical poet, Jean-Baptiste Rousseau (1671-1741).—Compiler.]
  18. M. l’abbé se trompe. C’était là ma pensée. «Les obscurs blasphémateurs» dont ils parle sont les chrétiens des premiers siècles; ces bandes de brigands catéchistes, de voleurs déguenillés et sales, ramassés dans tous les cloaques des provinces romaines et figurant comme «garde d’honneur» de leurs Saintetés les Cyrille de meurtrière mémoire, les bouchers de la Sainte Église, ce sanglant assommoir pendant près de dix-sept siècles. —H. P. BLAVATSKY.
  19. Parfaitement; M. l’abbé a une mémoire remarquable.—H. P. BLAVATSKY.
  20. M. l’abbé Roca a raison. Aucune entente n’est possible entre la christolâtrie dogmatique des Églises, son dieu anthropomorphe et les Ésotéristes orientaux. Le vrai Christianisme est mort avec la Gnose.— H. P. BLAVATSKY.
  21. Je m’explique pour la dernière fois. Les «Frères» et «Adeptes» n’étant ni Chrétiens, ni Juifs, ni Musulmans, sont nécessairement comme moi des payens, des gentils, pour tous les chrétiens; comme ces derniers, surtout les catholiques Romains, sont des idolâtres pur-sang pour les «Frères». Est-ce assez clair? Le Christ de M. l’abbé Roca ayant dit (Mathieu, ch. x, 5): «N’allez point vers les Gentils, et n’entrez dans aucune ville des Samaritains», je m’étonne de trouver un abbé chrétien faisant si peu de cas de l’ordre de son maître!—H. P. BLAVATSKY.
  22. Désolée, comme toujours d’ailleurs, de dissiper votre douce illusion, cher Monsieur. J’avais besoin de cette leçon d’étymologie, et j’en remercie l’abbé Roca. M’est avis cependant,—quoique je ne sois pas assez indiscrète pour lui demander son âge—que je savais tout ce qu’il vient de m’apprendre avant que Madame sa mère lui eût passé les jambes dans son premier pantalon. Les pagani ou payens pouvaient être des ignares aux yeux de plus ignorants qu’eux—ceux qui avaient accepté pour argent comptant l’âne de Balaam, la baleine deJonas et le serpent se promenant sur sa queue—ils n’en étaient pas plus ignorants pour cela. Une fois que les livres les plus sérieux parlent de Platon, d’Homère, de Pythagore, de Virgile, etc., etc. sous le nom «de philosophes et poètes payens», les Adeptes se trouvent en bonne compagnie. La petite leçon est aussi inutile que tirée par les cheveux. Je suis payenne pour les chrétiens, et j’en suis fière. Je l’ai dit ailleurs: j’aime mieux être payenne avec Platon et Pythagore que chrétienne avec les Papes.—H. P. BLAVATSKY.
  23. Éspérons-le. Et c’est justement parce que mes yeux ont vu clair avant que mon estimable correspondant fût né peut-être, que je n’ai aucune envie de retomber dans les ténèbres égyptiennes du dogme ecclésiastique. Jamais je n’acceptera l’invention des Irénée, des Eusèbe, des Jérôme et des Augustin. La «gnose orthodoxe» est un blasphème à mes yeux, un cauchemar hideux qui transforme l’Esprit divin en un cadavre de chairs putréfiées et l’habille d’oripeaux humains. Je ne reconnais que la gnose des Marcion et des Valentin, et encore! Un jour viendra où l’Ésotérisme oriental rendra le même service à l’Europe chrétienne qu’Apollon de Tyane rendit, à Corinthe, à son disciple Ménippe. La baguette d’or s’étendra vers l’Église de Rome, et l’empuse qui vampirise les peuples civilisés depuis Constantin reprendra sa forme de spectre, de démon incube et succube. Ainsi soit-il. Om mani padme hum!—H. P. BLAVATSKY.
  24. Le Filioque de l’Église orthodoxe gréco-russe est encore celui qui est le plus près de l’Esotérisme de l’Orient.—H.P. BLAVATSKY.
  25. Si par «Ochmah» M. l’abbé entend Chokhmah-Sagesse (écrit quelquefois phonétiquement Hochmah), il se trompe gravement encore. Hochmah n’est pas «le Principe féminin» mais le masculin, puisque c’est «le Père» Yah, tandis que Binah, l’Intelligence ou Jéhovah, est le Principe féminin, «la mère». Voici le triangle supérieur des 10 Sephiroth:


    «Kether» est le point supérieur (Eheieh, l’Existence). C’est des deux Sephiroth, Chokhmah (ou plutôt Chokhma, car la lettre H a été ajoutée par les Kabbalistes Chrétiens) et de Binah, les deux points inférieurs du triangle, qu’émane le Microprosope, le Fils. Mais où donc a-t-il étudié sa Kabbale, M. l’abbé!—H. P. BLAVATSKY.

  26. En-Soph n’a jamais été, pas plus que Parabrahm, «le Principe masculin». En-Soph est l’Incompréhensible, l’Absolu, et n’a pas de sexe. La première leçon dans le Zohar nous apprend qu’En-Soph (le Non-Existant, car c’est l’Existence absolue, per se) ne peut pas créer. Et ne pouvant créer l’Univers (qui n’est qu’un reflet d’EnSoph sur le plan objectif) il peut encore moins engendrer.—H. P. BLAVATSKY.
  27. L’Akaśa n’est pas le Saint-Esprit, car alors l’Akaśa serait Shekhinah, tandis que l’Akaśa est le noumenon du Septenaire Cosmique dont l’Ether est l’âme. Shekhinah est un principe féminin comme l’était le Saint-Esprit avec les premiers chrétiens et les gnostiques. Jésus dit dans l’Évangile des Hébreux: «Et aussitôt ma mère le Saint-Esprit me prit et me porta par un des cheveux de ma tête, à la grande montagne nommée Tabor». [Origen, Comm. in Evang. Joannis, tom. II, p. 64.] Ah bien! si c’est tout cela que vous autres «prêtres catholiques» enseignez à vos ouailles, je ne vous en félicite guère, et je les plains. Il paraît, après tout, que l’abbé a raison en disant que son Christ a «renversé les deux pôles, mettant cn haut ce qui était en bas, et en bas ce qui était en haut» (vide supra). Toute la Kabbale avec les Séphiroth y a passé, et les cervelles des Kabbalistes aussi.—H. P. BLAVATSKY.
  28. Mme Blavatsky connaît aussi bien que n’importe qui la valeur ésotérique de cet hiérogramme sacré: , dont le dédoublement ab intra donne I et , lesquels forment par leur conjonction ad extra le nombre 10, chiffre symbolique de toute la création.
  29. Nul initié n’ignore que les esprits se revêtent pour descendre, et se devêtent pour remonter.
  30. J’ai déjà eu l’honneur de dire à M. l’abbé Roca que son «Ochmah» (Chokhmah donc, s.v.p.) était un principe masculin, le «Père». Voudrait-il faire de la Vierge Marie la Macroprosope barbu? Qu’il ouvre donc le Zohar et y apprenne la hiérarchie des Sephiroth, avant de dire et d’écrire des choses....impossibles. Voici ce que dit le Zohar de Rosenroth traduit par Ginsburg: Chokhmah ou «Sagesse» (<cso_hebrew>), puissance (ou principe) active et masculine, représentée dans le cycle des noms divins par Jah (<cso_hebrew>). Voyez Isaïe, xxvi, 4—«Fiez-vous à Jah,<cso_hebrew>, etc. Que Jah soit traduit par «Éternel» comme dans la Bible française d’Ostervald, ou bien encore par «Seigneur Dieu» comme dans la version anglaise, c’est toujours Dieu, le Père, et non la déesse mère, Marie.— H. P. BLAVATSKY.
  31. Ce n’est pas à moi de dire si je m’en suis tirée brillamment ou non. Toujours est-il que je sais du moins ce que j’y dis et la valeur réelle comme le sens des mots et des noms dont je me sers, ce qui n’est pas toujours le cas avec M. l’abbé Roca. Je regrette de le dire, mais avant de donner des leçons aux autres, il ferait bien peut-être d’étudier la Kabbale élémentaire.—H. P. BLAVATSKY.
  32. Pas plus mauvaise cette «famille» que celle de David, assassin et adultère, dont on a fait descendre Jésus, ou bien celle qui se présenta devant l’Eternel au dire du livre de Job: «Or, il arriva un jour, que les ent`ants de Dieu vinrent se présenter devant l’Éternel, et Satan aussi entra parmi eux» (Job, i, 6; ii, 1), Satan le plus beau des Fil s de Dieu. Si Satan, tout comme vous, moi, Troppmann, n’était pas le fils de Dieu, ou plutôt de l’Essence du Principe divin absolu, votre Dieu serait-il l’Infini et l’Absolu? Il faudrait, cependant, tout en polémisant, ne pas oublier d’être logique.—H. P. BLAVATSKY.
  33. Je fais observer que l’abbé Roca se revêt encore une fois des dogmes Bouddhistes, Védantins, ésotériques et théosophiques, ne faisant que substituer aux noms de Parabrahm et d’Adi-Bouddha celui du «Christ». En Angleterre, on dirait que M. l’abbé s’amuse à importer du charbon à Newcastle. Je ne m’oppose pas à la doctrine puisqu’elle est la nôtrc, mais bien à la limitation que les chrétiens se permettent. Qu’ils prennent donc un brevet d’invention tout de suite pour ce qui a été reconnu et enseigné sous d’autres noms dans un âge où même les molécules des chrétiens ne flottaient pas encore dans l’espace.—H. P. BLAVATSKY.
  34. M.l’abbé la «poussera» alors tout seul. Je me retire et refuse absolument de prolonger la controverse. Qu’il apprenne d’abord 1’A, B, C, de l’Ésotérisme et de la Kabbale, et on verra après.—H. P. BLAVATSKY.
  35. Chacun a le droit de me tenir pour ce qu’il veut; mais une illusion ne sera jamais une réalité. J’ai autant le droit de tenir le Pape pour un Bouddhiste; je m’en garderai bien: n’est pas bouddhiste qui veut.—H. P. BLAVATSKY.
  36. [According to J. F. Ostervald’s version of the French Bible, the passage from Matth., xii, 32 runs as follows: «Et si quelqu’un a parlé contre le Fils de l’homme, il pourra lui être pardonné; mais celui qui aura parlé contre le Saint-Esprit n’en obtiendra le pardon, ni dans ce siècle, ni dans celui qui est à venir».—Compiler.]
  37. D’autant plus remarquable qu’ils se contredisent en tout ailleurs.—H. P. BLAVATSKY.
  38. «Pour faire un civet de lièvre, il faut d’abord prendre un lièvre». Pour accuser une personne «de blasphème» il faudrait d’abord prouver que cette personne croit à la chose contre laquelle elle blasphème. Or, comme je ne crois pas à la révélation du contenu des deux Testaments, et que pour moi les «Écritures» Mosaïques et Apostoliques ne sont pas plus Saintes qu’un roman de Zola, et que les Védas et les Tripitakas ont bien plus de valeur à mes yeux, je ne VOIS pas comment je pourrais être accusée de «blasphème» contre le Saint-Esprit. C’est vous qui blasphémez en l’appelant «un principe mâle» et le doublant d’un principe féminin. Raca sont ceux qui acceptent les divagations des «Pères de l’Église» à leurs «Conseils» comme l’inspiration directe de ce Saint-Esprit. L’histoire nous montre ces fameux Pères s’entretuant à ces assemblées, se battant et se disputant comme des portefaix, intriguant et couvrant d’opprobre le nom de l’Humanité. Les Payens en rougissaient. Tout nouveau converti qui s’était laissé attraper mais qui avait conservé sa dignité et un grain de bon sens retournait, comme l’Empereur Julien, à ses vieux dieux. Laissons donc là ces sentimentalités qui me touchent peu. Je connais trop mon histoire, et bien mieux que vous ne connaissez votre Zohar Monsieur l’abbé.—H. P. BLAVATSKY.
  39. Encore une erreur. Il y a des bons et des mauvais prêtres dans le Bouddhisme comme chez les chrétiens. Je déteste la caste sacerdotale et m’en méfie; je n’ai absolument rien contre les individus isolés qui la composent. C’est le système entier que j’ai en horreur, comme tout honnête homme qui n’est pas un hypocrite ou un fanatique aveugle. La majorité a la prudence de se taire; moi, ayant le courage de mes opinions, je parle et dis ce que je pense.—H. P. BLAVATSKY.
  40. Je ne rends aucun hommage du tout à votre «Saint Evangile»; détrompez-vous. Ce a quoi je rends hommage a cessé d’être visible pour votre Église comme pour vous-même. Étant devenue dès les premiers siècles le sépulcre blanchi dont parlent les Évangiles, cette Église prend le masque pour la réalité et ses interprétations personnelles pour la voix du Saint-Esprit. Quand à vous, Monsieur l’abbé, vous qui pressentez vaguement le personnage caché sous ce masque, vous ne le connaîtrez jamais, parce que vos efforts tendent dans une direction contraire. Vous cherchez à mouler les traits de l’inconnu caché sur ceux du masque, au lieu d’arracher bravement ce dernier.—H. P. BLAVATSKY.
  41. Jusqu’ici je n’ai trouvé que cacophonie dans les opinions des ésotéristes chrétiens, cacophonie et confusion. Preuve votre Ochmah.—H. P. BLAVATSKY
  42. Oui-dà! Est-ce à «la lumière du Zohar» qui émane de la lanterne de votre Ésotérisme à vous? Cette lumière est bien incertaine, je crains; un vrai feu follet. Nous venons d’en avoir la preuve!—H. P. BLAVATSKY.
  43. Une jolie preuve, encore celle-là! Jérémie qui dit: «Ce que ces prophètes prophétisent en mon nom [celui de Jéhovah, votre Dieu] n’est que mensonge; je ne les ai point envoyés, et ne leur ai point donné de charge, et ne leur ai point parlé; ils vous prophétisent des visions de mensonge, de divination, de néant, et la tromperie de leur cœur» (xiv, 14). Or, comme les prophètes des Gentils n’ont jamais prophétisé au monde Jéhovah, à qui la prophétie—si c’en est une—s’adresse-t-elle directement si ce n’est à vos «glorieux ancêtres, les Pères de l’Église»? Votre citation n’est pas heurcuse, Monsieur l’abbé. Le verset 17 parle de la nation d’Israël, en disant «la Vierge fille de mon peuple», et non de la Vierge Marie. Il faut lire les textes hébreux, s’il vous plaît, et non nous citer la traduction latine défigurée par Jérôme et autres. C’est le Messie des Juifs qui n’a jamais été reconnu dans Jésus, qui était «I’objet des pressentiments et des prévisions» du peuple d’Israël; et c’est le Kalki Avatar, le Vishnou, le Bouddha-primordial, etc., qui est attendu avec «des soupirs» dans tout l’Orient, par les multitudes des Indes. À la Vulgate que vous me citez je vous opposerai cinquante textes qui démolissent l’édifice bâti avec tant de ruse par vos «illustres ancêtres». Mais, vrai. . . . .ayons pitié des lecteurs du Lotus!—H. P. BLAVATSKY.
  44. C’est fort heureux, ma foi. La confession vient un peu tard, mais, mieux vaut tard que jamais.—H. P. BLAVATSKY.
  45. Lorsque ce «langage parabolique» sera compris correctement et que tout ce qui appartient au César—payen—dans les Evangiles sera rendu à César (au Bouddhisme, Brahmanisme, Lamaïsme et autre «ismes»), nous pourrons reprendre cette discussion. En attendant ce jour heureux —H. P. BLAVATSKY.
  46. Je pardonne volontiers à M. l’abbé Roca ses petits lapsus linguae, à condition qu’il étudie sa Kabbale plus sérieusement. Ma «belle âme» ne réclame rien du tout de mon trop pétulant correspondant; et si cette âme réclame quelque chose «à grands cris», c’est qu’on ne dénature pas ses convictions ou qu’on la laisse tranquille. Je fais grâce à l’abbé Roca de ses «preuves scientifiques». La science ne peut exister pour moi en dehors de la vérité. Puisque je n’impose mes convictions à personne, qu’il garde les siennes—même celle que le Père Éternel (Chochma) est son principe féminin. Je puis lui assurer, sur ma parole d’honneur, que rien de ce qu’il pourrait dire du Bouddha, des «Frères», et de l’Ésotérisme de l’Orient ne me briserait le cœur, à peine cela me ferait-il rire. Et maintenant que j’ai répondu sur tous ses points et combattu tous ses fantômes, je demande que la séance soit levée et les débats clos. J’ai l’honneur de faire mes adieux respectueux à M. l’abbé Roca, et lui donne rendezvous dans un meilleur monde, dans le Nirvâna—près du trône de Bouddha.—H. P. BLAVATSKY.